samedi 10 mars 2018

Messe de Funérailles de maman

"Le Seigneur est mon berger: rien ne saurait me manquer".


Nous ne sommes pas tristes, nous sommes profondément émus par les grandes grâces reçues tout ce temps où le Seigneur Jésus s'est montré le véritable ami, d'une fidélité en amitié, d'une miséricorde, d'une tendresse, d'une délicatesse confondantes. « La p'tite maman » comme on aimait à l'appeler depuis quelques années, était en fait une grande maman ; surtout qu'en abordant l'éternité, l'âme reçoit comme une dimension d'immensité. Après une vie d'engagement, de militantisme et de service, aux côtés de son cher Louis, notre papa, il pouvait sembler que les derniers temps, elle était plus à recevoir qu'à donner. Or, en consentant doucement aux renoncements nécessaires, puis aux dépouillements, avec cette noblesse et dignité typiques des personnes de cette génération, elle atteignait sa pleine stature dans le Christ.

Evoquons d'abord ces grandes blessures qui marquèrent son enfance avec la mort tragique de sa maman, puis son adolescence avec la mort de son père en plein ciel, alors qu'il était le Commandant de l'Aéronavale pour l'Afrique Occidentale Française à Dakar en 1942. Lors de la lente remontée vers la métropole, tandis que la guerre basculait vers la victoire, ce fut la rencontre de Louis Vandevelde à Alger, à la faculté de droit ; puis le temps de la formation humaine et chrétienne dans le scoutisme. C'est ensuite la fin de l'Algérie française, avec la découvertes d'injustices profondes, dénoncées déjà par le jeune évêque de Constantine, devenu ensuite l'archevêque d'Alger, surnommé Mohamed Duval, reprenant les discours de Pie XII sur la dignité de la personne humaine toujours et partout. Ils participent ensuite à la construction d'un nouveau pays, dans l'Algérie dite indépendante, dans une démarche authentiquement missionnaire : comment les Algériens pourront-ils connaître le Christ, s'il n'y a plus de Chrétiens au milieu d'eux ? Les grands mouvements de l'Histoire semblent inéluctables : l'Algérie s'enfonça progressivement dans l'islamisme puis la violence une nouvelle fois. Mais maman était déjà rentrée en France un Vendredi Saint, étouffant d'asthme et presque à l'article de la mort, pour une vie plus retirée, au chalet et ailleurs, d'accueil et de soutien de la famille qui s'agrandissait, jusqu'à maintenant.

Ce qu'il y a de bien avec maman, c'est qu'il y a une vingtaine d'années, elle avait commencé à écrire le récit de sa vie, d'abord pour ses petites filles, il n'y avait pas encore les petits enfants de Genève, qui arrivent les uns après les autres, au fur et à mesure qu'on avance dans le livre. Il en reste des exemplaires, qui vous sont offerts au fond de l'église. Et maman qui oubliait beaucoup sur la fin, disait en souriant : il faudrait que je relise mon livre, pour savoir ce dont je devrais me rappeler. Mais ce qui nous a le plus marqué, c'est son ascension spirituelle, scandée par le grand courant de la Sainte Eglise notre Mère : avec le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, puis le Centenaire des apparitions de Notre Dame à Fatima, et ses lectures. Maman a lu jusqu'à une dizaine de jours avant sa mort, et elle en était au milieu du tome 4 de « l'Evangile tel qu'il m'a été révélé ». C'est là qu'elle a eu la grâce de retrouver la Vierge Marie. Certes, elle priait Marie comme tout catholique mais il y avait une sorte de gêne, depuis qu'elle avait perdu sa mère : on lui avait dit pieusement « maintenant tu as la Vierge Marie pour mère » et elle-même se disait : « je préfèrerais avoir encore ma mère ». Or elle est entrée dans cette intimité salutaire entre Jésus et sa Mère, dans une visée apostolique : car nous sommes tous nés de cette intimité.

C'est ainsi que sa personne s'est unifiée dans cette optique de réparation, de sacrifice, d'offrande de ses contraintes, de ses épreuves, je n'ose pas dire de ses souffrances, car elle fut merveilleusement préservée jusqu'au bout, pour la conversion des pauvres pécheurs. Jésus avait promis à sainte Faustine : ceux qui honoreront ma Miséricorde, nous le faisions avec maman depuis des années, je les défendrai moi-même à l'heure de la mort comme ma propre gloire. Et lorsque je lui ai donné l'extrême-onction quelques instants avant sa mort, c'était selon la formule de sainte Jacinthe Marto de Fatima : pour l'amour de Jésus, pour la réparation des offenses au Coeur immaculé de Marie, pour la conversion des pauvres pécheurs, et pour le Saint Père. Sa dernière communion avait été la veille, le Premier Samedi du mois. Elle était devenue pleinement consciente de la plénitude chrétienne que nous confère le Baptême, ouvrant en nous la vie éternelle par la grâce, la foi, l'espérance et la charité, jusqu'à ce qu'on enlève le voile et que l'on voit tout dans la lumière bienheureuse de la gloire. C'était son unique désir, son unique souci aussi pour ceux qu'elle aime. Il est significatif d'ailleurs, de constater que les rites des Funérailles sont exactement ceux du Baptême : la Croix, le Cierge pascal, l'Eau bénite. On est baptisé pour entrer dans la vie éternelle.

Du coup, les lectures choisies s'imposaient pour ainsi dire à nous, et se passent de commentaire. Qui nous séparera de l'amour du Christ ? C'est lui que nous avons revêtu au baptême, et nous sommes avec lui comme une seule personne mystique. Rien, aucune créature ne pourra nous séparer de lui, il est mort, bien plus il est ressuscité pour nous. Veillant jusqu'au retour du Maître jusqu'à minuit ou même trois heures du matin, 91 ans pour maman. Quant au psaume « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer », il reprend les étapes de l'initiation chrétienne, Baptême, Confirmation, Communion, tout en étant le psaume typique des Funérailles : passerai-je le ravin de la mort, ta Croix est là qui me rassure ; tu prépares pour moi une table dans ta maison, ma coupe est débordante de joie.

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